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Le blog de Eve

A Sainte Lucie

Nous reconnaîtrons-nous après tant d’années ? Je ne sais si tu me retrouveras sous la peau de la vieille femme que je suis devenue. Je ne sais si je te reconnaîtrai dans l’homme respectable que tu parais. Où sont passées les années folles où seul comptait le moment d’être ensemble ? Nous n’imaginions pas que ces moments puissent un jour appartenir au passé.

Aujourd’hui, je suis là, témoin du quotidien, sentinelle au garde à vous, vide de pensées et de souvenirs. Je suis présente au présent, absente au passé.

Nous étions comme ces deux pitons, l’un plus haut, l’autre plus bas, qui plongent leurs racines dans la mer et se détachent, entre azur et lumière. L’un est blanc, l’autre noir, l’un est lui, l’autre est elle. Ils sont deux jumeaux qui se ressemblent et s’opposent, la photographie et son négatif. Contre le ciel et la mer, au milieu de tant de bleu et d’or, ils apparaissent comme deux races différentes qui se mêlent et fusionnent. Volcans maintenant assagis, ils ont oublié les débordements passés, les explosions de passion, les coulées de pleurs, la solidification des sentiments. Un jour, ils ont perdu leur chaleur et sont devenus pierre. Roc aride. Désert inhumain. Inaltérables, ils émergent, pourtant, comme un espoir vers le ciel. Un jour, peut-être, ils se retrouveront.

 

Elle regarde défiler le temps. Rien ne peut la surprendre. Elle est partie depuis une semaine, un mois, des années, à son retour rien n’a changé. Les gens ont vieilli, les têtes ont changé, la représentation est toujours la même. Celle d’une pièce unique qui se joue de génération en génération. Le temps est là, qui passe, sans valeur. L’un après l’autre, nous sommes dedans, dehors. Ici, ailleurs. Qui sait où ? Quoi ?

Elle, se place en retrait. Elle, se recroqueville à l’intérieur de sa coquille. Elle  ne sait plus qui elle est. Elle ne sait plus ce qui est important. Alors, elle attend que passe le temps. Elle, attend et me regarde agir.

A bras le corps, j’ai attaqué le quotidien. Sans relâche, je bouge, j’agis, je ne m’avoue jamais battue. Elle, peut se complaire dans son désarroi et ses recherches vaines de sens, Elle, peut me regarder m’agiter de son regard sardonique, je ne me laisse pas impressionner.

Peu à peu, j’ai appris que chaque instant a son prix. Que l’on peut trouver une saveur aux petites choses. Elle me regarde déambuler dans la trace des journées. Mais, pendant ce temps, j’avance. Je saisis ma vie, la modèle selon mon goût. Elle ne le sait pas, c’est moi qui suis sur le bon chemin. Je revois les heures aimées, les scènes passées mais non dépassées. A chaque instant, je les fais vivre à ma mode d’aujourd’hui.

Elle, a disparu. S’est laissé emporter. Dans son rêve, s’est envolée.

Je sais qu’elle n’est jamais très loin. Sans crier gare, elle reviendra.

 

Alors,

Je continue mon travail de fourmi. Sans me lasser, je sculpte les êtres qui ont compté, je monte le décor de chacune des représentations quotidiennes, je chante ma vie de maintenant afin d’éviter le coassement des grenouilles de la pluie, le grésillement des cigales tropicales. Je sais qu’Elle reviendra à l’heure où le soleil descend sur l’horizon, se reflète sur la mer et les deux pitons.







Et comme un socle inébranlable, alors que la nature s’apaise, Elle et Lui, se retrouveront. Rêve d’un temps passé. Dans le cratère effondré, je tourbillonne, bouillonne. Vapeurs et fumées, bon génie, je suis Eve pour les aider. 

A Sainte Lucie, je suis passée. La lumière, j’ai voulu trouver.    

 

 

 

 

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